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Il était une fois, dans un bois de
feuillus, un étrange petit être… Il avait pour habitude, tous les
matins, dès que le voile de la brume s'était dissipé, de venir s'asseoir au pied
d'un arbre. Ce n'était pas n'importe quel arbre ! Il avait d'étranges
pouvoirs, prétendait-on dans la forêt :
- Il pouvait réaliser les rêves les plus fous, les plus insolites…
Aussi, le petit être s'asseyait-il et implorait-il l'arbre de changer sa
vie…elle était si triste sa vie ! Il priait aussi le ciel, mais rien n'y
faisait. Ses larmes s'étaient transformées en un petit lac d'eau salée où nulle
vie ne fleurissait jamais. Un jour, où le soleil hésitait à se lever et que la
pénombre ralentissait ses pas, il vit une lueur phosphorescente au pied de
son arbre : comme une luciole bleuâtre. Il se pencha et constata la présence
d'une petite fleur bleue
- Jamais auparavant, il n'en avait vu de
semblable !
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Il se coucha sur la mousse, faisant fi de son
habit, et l'observa silencieusement… Elle
était belle, pimpante et cependant, elle semblait fragile dans sa robe
couleur de ciel !
Il lui
dit : " Bonjour … " mais la fleur ne bougea pas d'un
pétale.
Alors il s'enhardit, et doucement souffla
:
ffffffeeeeeeee… Les pétales,
aussitôt, se mirent à trembler comme les ailes d'un papillon. Il éclata de
rire… c'était la première fois depuis des siècles qu'il riait! Amusé, il
s'approcha un peu plus et déposa un baiser sur le cœur de la fleur
bleue. Là, il y eût comme une tornade; tout se mit à tournoyer
devant lui : - une lumière bleu argenté grandissait…
grandissait… Pris de peur, il recula de quelques pas et instinctivement
ferma les yeux. Quand il les ouvrit, devant lui, se tenait un autre étrange
personnage.
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Elle ressemblait à la princesse des
contes de fées de son enfance ! Vêtue d'une robe de soie bleue, elle avait
l'air, comme la petite fleur, douce et charmante - cette petite fleur qui
l'avait séduit - Mais ce personnage était bien réel, vivant avec des émotions
et un cœur; il ne savait que faire, comment réagir : partir en prenant la
fuite ou rester pour la découvrir et l'apprécier… Il éprouvait tant de
sensations étranges après cette longue période de solitude !
Il n'osait
croiser le regard de la jeune fille car elle le troublait et le
déstabilisait. Son désarroi se lisait sur son visage ; elle le remarqua et
comprit qu'elle ne lui était pas indifférente. Elle lui fit un sourire et
lui demanda :
- Qui es-tu ?
D'une voix
tremblante, il répondit
:
- Moi, c'est Pti Lutin, et toi,
qui es-tu ?
Elle répondit
:
- Moi, c'est Fleurbleue, la
Princesse des baies
Les présentations étaient faites; un
doux rayon de soleil pénétra à travers le feuillage de la forêt pour caresser
le visage de ces deux êtres…
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La princesse, pour se donner une contenance,
défroissa sa robe de soie en esquissant des petits pas de danse, sur une musique
audible que par elle-même. Elle faisait gonfler sa jupe en virevoltant autour de Pti
Lutin, profitant ainsi pour l'examiner sur toutes les coutures. Il avait belle allure !
" Comme il est charmant avec son petit
gilet en velours frisson, vert mousse ! Et ce petit chapeau à grelots, comme
c'est ravissant… "
Elle le contemplait de toute sa
hauteur de Princesse des baies. Elle s'en rendit compte et ne put s'empêcher
de penser :
" C'est dommage qu'il soit si petit…
"
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Pti Lutin n'en
revenait toujours pas d'avoir été exaucé par son arbre.
Mis en confiance par la douceur de Fleurbleue,
il arrêta de trembler et leva enfin son minois vers elle. Mais bien vite, il
le rabaissa
:
- Comme elle était grande… le
triple de sa hauteur !!!
Alors là, le désespoir le prit et
il s'assit sur un billot de bois, ses petites jambes ballantes, le visage
rembruni.
Quand Fleurbleue le vit assis, encore plus petit, elle s'attrista
elle aussi… Elle
s'agenouilla devant lui pour être à sa hauteur, et plongea son regard dans
celui de Pti Lutin.
A son tour d'être éblouie… elle se
retrouva dans les profondeurs sous-marines… ses yeux étaient d'un bleu
pailleté, étoilé… Elle ne put prononcer une parole.
Deux grosses perles
d'eau, accrochées au bord des cils, roulèrent comme des billes sur les joues
du lutin lorsqu'il cligna des yeux pour la regarder… il était émerveillé,
séduit par cette jolie frimousse. Elle lui effleura le visage du
bout des doigts, afin de sécher ses larmes et le réconforter - ce qui
réchauffa le cœur du lutin qui vint blottir sa tête contre sa main
-
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Il était si bien
! comme il ne l'avait plus été depuis longtemps, c'était presque irréel
:
- pourtant la chaleur dans son corps, et ce geste de tendresse, tout
était bien réel ! La forêt,
la vie lui paraissaient plus belles et par miracle, le petit lac d'eau salée
avait disparu, pour laisser place à des centaines de fleurs bleues qui
égaillaient et parfumaient ce bois de feuillus, tellement triste avant
l'arrivée de la princesse.
Plus le temps passait et plus
l'amour de Pti Lutin pour Fleurbleue, la Princesse des baies, grandissait ; mais
comment le lui dire ? comment la séduire ? autant de questions dont il ne
possédait pas encore les réponses. Il aurait tant aimé la prendre dans ses
bras, goûter à la saveur sucrée de fruit de ses lèvres, et humer son parfum
sensuel de fleur … mais il était si petit… ce rêve était des plus insensés
!
La princesse, encore à genoux devant
lui, la main posée sur le petit chapeau du lutin, était songeuse ;
machinalement, elle faisait tinter les grelots… Elle
ne pouvait se résoudre à le quitter, il lui plaisait tellement ! et pourtant,
elle avait conscience de sa taille minuscule
:
" Que
faire pour qu'il grandisse, pour qu'il devienne un jeune homme de taille normale
? " Car, sans se l'avouer, le cœur de Fleurbleue battait
étrangement la chamade depuis leur rencontre.
Tout à coup, au son d'une clochette,
une idée lumineuse lui vint… Elle demanda à Pti Lutin
: - Veux-tu être aussi grand que moi ?
Le lutin écarquilla ses yeux
bleus, étonné d'une pareille question...
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- B ien sûr que j'aimerais être aussi grand que toi,
mais je suis né lutin et je le resterai, c'est ma destinée de lutin
!
La petite Princesse des baies fit la
moue, mécontente de cette réponse, et, lui posant le doigt sur le nez, en
appuyant dessus comme sur une sonnette, lui rétorqua :
- Comment peux-tu être aussi
fataliste ? tu te sous-estimes ! En toi, il y a des trésors à découvrir, une
énergie phénoménale mais tu ne t'en sers pas
:
" on peut tout, si on le
désire vraiment "
Le lutin était un peu dépité par la
leçon de morale de Fleurbleue. Il la trouvait toujours aussi belle et attirante,
mais exigeante. Cependant, comme animé par
un ressort, il se mit sur ses pieds et se lança un défi. Il bomba le torse,
remonta son pantalon et se recoiffa. D'un geste tendre mais déterminé, il prit
la main de la princesse dans la sienne et la posa sur son cœur.
Mais malgré son audace soudaine, il manquait
de confiance en lui ; dans sa tête, de nombreuses questions, sur elle, sur lui,
sur la différence qu'il avait et les séparait, le tourmentaient. Pourtant, ce bien-être qu'il ressentait
au fond de lui, c'est elle qui le provoquait ! et sur cette conclusion, il
décida de tenter sa chance et de passer outre cet écart ; elle avait bien
raison :
" on peut tout, si on le
désire vraiment "
Il choisit de la prendre dans ses
bras pour être encore plus près d'elle, posa sa tête sur son épaule et lui fit
un doux bisou dans le cou : elle avait la peau douce et sucrée comme il
l'imaginait. A cet instant, il aurait aimé que tout reste figé, que les
oiseaux arrêtent de chanter et les plantes de pousser, rester éternellement
contre elle.
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Fleurbleue se releva très troublée par ce baiser dans le cou,
léger comme un battement d'ailes de papillon. Elle éprouvait des sentiments
mélangés : c'était une attirance pour ce lutin qu'elle connaissait à peine ;
une sorte de magnétisme qui lui donnait des envies de toucher son visage, de
dessiner le contour de sa bouche. Elle avait des pulsions de femme et en même
temps, celles d'un artiste, celles d'un sculpteur, qui suit du doigt la courbe
d'une joue ou le rebondi d'un sein pour se rendre compte de la douceur des
formes de la pierre à tailler.
Reprenant ses esprits, elle lui dit :
- Ecoute Pti Lutin, je viens de
te dire que la force est en toi. Ferme les
yeux et concentre-toi. Dis-toi que tu veux être très GRAND.
Vas-y !!
Le lutin ferma les yeux, se concentra, respira un bon coup… ce
qui eût pour effet de gonfler sa poitrine… les petits boutons du gilet de
velours vert mousse se mirent à sauter un par un, comme des puces…
La
Princesse des baies éclata de rire… Pti Lutin se renfrogna, il n'était pas
content qu'elle se moque ouvertement de lui. La jeune fille
s'excusa en lui touchant la joue du revers de la main :
-
Essaie encore ! reprit-elle
Cette fois, aspirant de l'air par
le nez, il souffla, souffla…fffffffffffouuuuu… tellement fort que les feuilles
de l'arbre aux 1000 pouvoirs se mirent à trembler et même certaines… à
tomber.
RIEN NE SE PASSAIT !
Il était toujours aussi petit et en
plus, ses joues avaient pris une teinte cramoisie.
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Fleurbleue,
légèrement décoiffée par le souffle du lutin, riait, riait aux larmes. Pti
Lutin, vexé, remit son chapeau à grelots sur sa tête et partit en courant dans
la forêt. En deux enjambées, la princesse le rattrapa par la manche de son
habit et lui murmura tendrement :
- Attends mon cœur, ne pars pas
! j'ai une autre idée
En s'entendant
appelé " mon cœur ", le lutin ne put résister davantage au son de cette voix
qui le charmait tellement - de véritables petites notes de piano qu'elle
égrenait dans tout son corps meurtri - Il
l'écouta donc, avec
la plus grande attention
:
- Tiens, prends mon panier et va dans la forêt. Ramasse toutes les
baies que tu trouveras. Prends garde ! il faut que ces baies soient comestibles
! Le lutin perplexe s'exclama :
- Mais, que
ferai-je de tous ces fruits ? - L'arbre aux 1000 pouvoirs m'a confié qu'ils
pourraient te faire grandir, répliqua Fleurbleue - Ah
oui ? …mais c'est GENiAL !
Il prit le panier, lui fit un clin
d'œil et dit d'un air coquin :
- Ne bouge pas ma douce, je reviens
très vite
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Il était sûr de lui car
la forêt, il la connaissait comme le fond de sa poche : c'était son domaine,
son " chez-lui ".
Il prit ses jambes à
son cou et galopa entre feuillages, branches et ronces. Dans sa tête,
la douce mélodie de la princesse l'appelant "mon cœur", marquait son pas de course.
Au bout d'une bonne heure, à une
cadence effrénée, il s'arrêta pour reprendre sa respiration. Son visage s'était rembruni car aucune baie n'était en vue;
dans les fourrés, il n'apercevait que le vert du feuillage!
Et ce
qui n'arrangeait rien, le jour commençait à baisser. Il s'assit contre un arbre pour se reposer
et réfléchir. Il prit sa tête entre ses mains, suivant son habitude, en soupirant de
découragement.Quand, un léger craquement de feuilles sèches,
piétinées, se fit entendre !
C'était un petit buisson touffu !
Lequel
buisson bougeait étrangement!
Curieux, il se leva et s'approcha en catimini…
Il vit remuer une petite
queue noire posée sur un postérieur couleur feu.
Intrigué mais craintif devant l'inconnu, il recula de quelques pas...la petite queue, s'agita plus fort, ainsi que
le reste du corps. Sans demander son reste, il prit la fuite.
Seulement, dans sa
précipitation, il trébucha sur un bout de bois, et s'étala de tout son
long. Ce bruit avait attiré l'attention de la bête…
Pti
Lutin, affalé sur un tapis de feuilles mortes, entendait le monstre
se rapprocher. Une goutte de sueur perla sur son front quand il vit sortir de la pénombre
" le petit buisson touffu ". A son grand étonnement, il constata que " le monstre " en question
n'était autre qu'un petit chien, avec une drôle de petite bouille.
Sans gêne, il s'approcha
du lutin encore allongé sur le sol et le
flaira minitieusement… snif-snif… snif-snif
Sa première frayeur passée, Pti Lutin tenta
de lui caresser la tête, aussitôt, le petit chien lui lécha la main.
Alors,
il se produisit une chose étrange : le cœur du lutin
se mit à battre très fort. Il continua à passer sa main sur tout le corps de
l'animal car ce contact soyeux et tendre répandait en lui, une chaleur agréable, semblable à
celle qu'il avait éprouvée pour la princesse . Le chiot se laissait
faire, il paraissait apprécier la compagnie du lutin. Il se coucha à ses
pieds… et tous deux surent qu'une grande histoire d'amour venait de
naître.
Néanmoins, le petit être ne perdait pas de vue la mission qu'il avait à accomplir : il lui
fallait absolument trouver ces baies !!! car une autre histoire d'amour en
dépendait.
En observant le chien allongé près de lui, il se demanda d'où celui-ci
pouvait bien venir, il n'était ni maigre, ni efflanqué : "
Peut-être appartenait-il à quelqu'un? "
Mais, ce
n'était plus le moment de chercher quoi que ce soit : ni une réponse à ses questions,
ni les baies ! Il faisait nuit noire, à présent. Il décida
donc de dormir là, sur la mousse, à la belle étoile. Le petit chien, instinctivement, vint
se blottir contre lui et de sa langue râpeuse lui fit
un bisou tout mouillé sur la joue.
Pti Lutin s'endormit heureux pour
la première fois de son existence, avec une pensée optimiste " La
vie était belle et pleine de surprises "
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A près le départ du lutin, Fleurbleue s'était assise à
son tour, le dos appuyé contre l'arbre, les paupières closes pour mieux
apprécier la douceur de l'air de cette journée de printemps ; ce n'était pas le
soleil brûlant de l'été, mais la tièdeur d'une légère brise qui la caressait
agréablement. Son esprit s'évadait et la ramenait sans
cesse à Pti Lutin, d'abord avec émotion, ensuite avec passion. Pourtant très
vite, ses rêves bleus se teintèrent d'inquiétude : - Et si
l'arbre aux 1000 pouvoirs avait menti !
- Et si les baies récoltées ne faisaient pas grandir
celui qui devenait de plus en plus, cher à son cœur ! - Et si les fruits étaient empoisonnés comme ceux
de la belladone, d'un rouge sang virant sur le noir, couleur
de la mort !
Au fur et à mesure que les heures s'écoulaient et que le doute
s'installait, les battements de son cœur s'accéléraient : -Avait-elle mis suffisamment le lutin
en garde ? Elle était prise de panique ; peut-être que tout ce qu'elle vivait
depuis peu n'était qu'une utopie, des désirs inassouvis, imaginaires, juste
dans sa tête !
Alors, des larmes de désespoir coulèrent, inondant son visage
et sa robe couleur de ciel. Elle pleurait à gros sanglots. Son corps était
secoué par des hoquets, des gémissements.
Soudain, le ciel s'ouvrit, déchiré par des mains
invisibles. En un instant, il déversa sur elle et sur la forêt, des
rideaux de pluie. Le tonnerre gronda. Des éclairs aveuglants zébrèrent le
firmament.
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La princesse,
trempée jusqu'aux os, s'était levée et avait pris l'arbre à bras le corps,
essayant de s'abriter le plus possible. Puis, exténuée par tous les
évènements de ces dernières heures, elle s'évanouit et n'eût plus
conscience de rien..
Dans le bois, le calme était
revenu. La pluie avait cessé de tomber. Le tonnerre s'était tu. Un pâle soleil
tentait une percée timide dans les nuages. Sur le sol détrempé couvert de
mousse, là où la jeune fille s'était évanouie, une fleur bleue gorgée d'eau
était réapparue.
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Ce
déchaînement des éléments était-il le signe de la colère de l'arbre ou celle
du ciel ?? le manque de confiance de la Princesse des baies avait-il fâché le
géant de la forêt
?
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Pendant ce temps, parcourant la
forêt avec son nouveau compagnon, Pti Lutin recherchait désespérément des
baies dans la pénombre. Il était exténué et découragé par cette nouvelle
journée infructueuse. Il jugea qu'une pause leur serait bénéfique pour
reprendre des forces. Il s'étendit sur un tapis de verveine odorante, sa tête
appuyée contre un arbre, comme à l'accoutumée. Le
petit chien, immédiatement, vint s'allonger près de lui et le regarda avec ses
petits yeux marrons, brillants de reconnaissance: il avait l'air heureux
d'avoir trouvé un ami. Ils s'installèrent confortablement ; et dans le
parfum suave de la verveine et la sérénité de la forêt, éclairée par les
étoiles, ils s'endormirent l'un contre l'autre… Pti Lutin, dans son sommeil
paisible, rêvait de sa princesse. Il s'imaginait avec elle, main dans la main,
parcourant la terre à la découverte de nouveaux paysages et de contrées
lointaines, où leur différence n'aurait aucune importance ; il était si
bien avec elle…
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Un jour nouveau se
leva…
Réveillés par un rayon de soleil
matinal, nos deux compères se mirent en route rapidement, à la recherche des
fameuses baies. D'un pas soutenu, ils prirent la direction
d'une petite colline
qui se dessinait au loin… Durant la marche, Pti Lutin admirait son compagnon
: il avait fière allure dans sa robe luisante, couleur noir et feu. C'est à ce
moment là qu'il eût une idée ; il fouilla dans la poche de son petit gilet et en
sortit une vieille baie toute ramollie qu'il plaça sous le museau de son
ami.
Le petit
chien, aussitôt, renifla le fruit, agitant sa
queue, tout joyeux. Il
regarda le petit lutin d'un air interrogateur, les oreilles légèrement cassées. Son
nouveau maître lui dit : " cherche mon ami, cherche… "
Sans se faire prier, il se mit à
flairer le sol de terre battue, les fourrés - sa truffe noire excitée par
l'odeur, frémissait -
La journée s'annonçait chaude ; le
soleil était implacable et pourtant il n'était pas encore au zénith. Toute la
nature était en éveil, on entendait des gazouillis et des chamailles d'oiseaux dans les
arbres, le crissement des cigales et des criquets, le bourdonnement des abeilles
butinant les fleurs du sentier, et les snif-snif du chien. Pti
Lutin, confiant, le suivait ; ils avaient quitté la plaine et empruntaient le
chemin caillouteux et escarpé qui grimpait jusqu'à la colline. Son front était
couvert du sueur et de temps à autre, il l'essuyait d'un revers de la main. Il avait
un peu de mal à suivre de près son compagnon, à cause de ses jambes courtes, et
il ne pouvait s'empêcher de pester tout-haut contre la nature qui voulait que
les lutins soient petits : " Pourquoi suis-je de si petite taille, c'est d'un
ridicule !! " L'adorable petit chien, comme s'il avait compris le handicap de
son maître, s'asseyait sur ses pattes arrière et paraissait l'attendre.
Ils atteignirent enfin le haut de la colline, qui portait le nom de Mont
Pujols. Le chiot s'arrêta net, renifla l'air et se dirigea, sans hésitation aucune,
vers un vieux jardin envahi par les mauvaises herbes. Non loin, se dressaient
les ruines d'une ancienne chapelle. Pti Lutin enjamba le grillage rouillé de la
clôture, et se retrouva au milieu de ce qui avait dû être autrefois le potager du curé
: des salades immenses montées en graines, des tomates aux formes
biscornues courraient sur le sol au milieu des fleurs de melons. En voyant ces légumes,
Pti lutin sentit son estomac crier famine mais il n'eût pas le loisir de
ramasser quoi que ce soit, son compagnon à 4 pattes se mit à japper joyeusement
: des groseilliers, framboisiers, myrtilles égayaient de leurs petits fruits
colorés un muret rongé par les mousses. Le lutin n'en croyait pas ses
yeux, tant il y en avait… il se mit à rire à gorge déployée… à sauter de joie…
attrapa les 2 pattes avant de son chien et lui fit faire des petits pas de
danse. L'animal se laissait faire, béat, la gueule ouverte découvrant ses crocs
: on aurait dit que lui aussi, riait.
Son maître le félicita de
quelques petites tapes sur les flancs. Ensuite, il commença à remplir son
panier avec les précieux fruits, en songeant à sa princesse. Tout semblait
possible à présent : Il se voyait grand… très grand !
- avec des bras pouvant enlacer la
taille de sa
bien-aimée,
- avec des mains pouvant
caresser son visage,
- avec des jambes longues pouvant
marcher à la même cadence que sa Fleurbleue.
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La Princesse des
baies, redevenue à l'état floral couleur de ciel, secoua vivement ses pétales gorgées d'eau.
Cette pluie avait redonné vigueur à sa tige, et sa corolle s'était déployée.
Fleurbleue, l'esprit plus clair, réfléchît aux événements qui s'étaient
produits. En vérité, elle
comprenait que l'arbre aux 1000 pouvoirs s'était fâché contre elle, à cause de
son manque de confiance. Elle tenta d'user de ses charmes auprès de lui pour
essayer de
l'attendrir.
Un rai de soleil se posa sur
elle ; aussitôt sa jupe plissée prit un air pimpant, légèrement velouté. Et c'est avec ce velouté, cette douceur dans la voix
qu'elle s'adressa à l'arbre :
- Oh bel arbre ! toi qui règnes en roi de la forêt, veux-tu me
pardonner ?
- Puis-je obtenir de toi une nouvelle
faveur ? Je te promets désormais de croire aveuglément en
toi !
L'arbre multi-centenaires à
l'écorce rude, avait le cœur tendre et ne put résister à cette jolie fleur
bleue ; il la questionna :
- Que veux-tu belle enfant ?
- Oh bel arbre ! fais-moi redevenir
la Princesse des baies pour que je puisse rejoindre mon bien-aimé, supplia la
fleur de lin
- Soit ! mais c'est ta dernière
chance, ne la laisse pas passer, il n'y en aura plus d'autre.
Sitôt ses paroles proférées, il y
eût une nouvelle tornade éblouissante qui laissa place à : la Princesse des
baies.
Sans plus attendre, la jeune fille, après avoir
embrassé le tronc de l'arbre, en signe de remerciements, partit à la poursuite
de Pti Lutin.
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La princesse marchait d'un bon pas.
Parfois, lorsque son cœur s'angoissait en songeant à son ami et aux risques
qu'il encourrait, elle se mettait à courir. Au bout d'une heure de cette
course contre la montre, elle se retrouva dans un endroit de la forêt qu'elle
ne connaissait pas. Autour d'elle, tout n'était que buissons épineux,
lianes enchevêtrées, plantes grimpantes aux feuilles charnues recouvertes de
duvet, troncs d'arbres tortueux aux aspects
fantomatiques.
L'atmosphère était humide et chaude après l'orage du jour précédent. Elle
avait l'impression de baigner dans une étuve qui recouvrait son visage de
fines gouttelettes
d'eau.
Elle voulait reprendre son souffle, mais l'air était irrespirable : des
senteurs capiteuses, poivrées, musquées, de bois pourris, de champignons
sauvages lui montaient à la tête et l'étourdissaient.
Elle leva
le regard pour chercher dans le ciel une bouffée d'oxygène, mais
là aussi, tout paraissait hermétiquement clos. Le ciel et sa légèreté était
absent du décor. Au-dessus d'elle, comme un couvercle, les feuillages
des arbres gigantesques d'essences variées, avaient rapproché leur tête et
semblaient l'observer de leur hauteur majestueuse. C'était un camaïeu de
verts, lourd, pesant… ces verts noirâtres, poudrés, l'angoissaient. La jeune
fille tomba à genoux et ferma les yeux pour échapper à ce sinistre paysage. Elle
tenta de se concentrer sur le but de sa venue
en ces
lieux :
- Où était-elle ?
- Peut-être se trouvait-elle dans le domaine des
Elfes arboricoles, à la queue en panache,
couleur de rouille - Ou plutôt, dans celui des Amphibiens aux yeux
globuleux qui envahissent les marais ? Elle était bel et bien
perdue. Elle frissonna malgré la chaleur accablante… Alors qu'elle essayait
de mettre de l'ordre dans ses idées, elle sentit sur son bras quelque chose
l'effleurer, la chatouiller ; elle ouvrit les yeux brusquement et
constata avec soulagement que ce n'était qu'une simple liane qui la
frôlait. Elle sourit intérieurement de sa peur à fleur de peau et
courageusement, après coup, elle se remit sur ses pieds.
La Princesse des baies inspecta les
alentours pour tenter de découvrir une issue. Ses yeux s'étaient habitués au
clair-obscur de la forêt ; elle distingua, sur un buisson vert-cendré, de
fines tiges enroulées comme des lianes, porteuses de baies rouges, globuleuses
à la fine membrane brillante, cirée : elles paraissaient mûres, prêtes à
craquer sous la dent. L'aubaine était grande !
Instinctivement, oubliant son propre sort, ne pensant qu'à son lutin
bien-aimé, elle se mit à les cueillir, une par une, fébrilement, les mains
légèrement tremblantes. Il s'agissait d'en récolter le plus possible et donc,
de ne pas en perdre une seule … son bonheur en dépendait ! Elle déposa ensuite
les fruits dans son petit mouchoir de fine batiste bleu d'azur, et
contempla sa cueillette avec bonheur ; il y en avait beaucoup !
c'était si joli ces petites boules vermillon sur ce bleu tendre !
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Mais ses efforts avaient creusé son appétit… elle se sentait
dolente, affamée : "
Pourquoi n'en mangerait-elle pas 2 ou 3, il y en avait tant, des baies ! et
puis, elle en trouverait d'autres sur son chemin !
" Enhardie par cette idée, elle porta à ses lèvres
3 petits fruits, et avec gourmandise les fit craquer sous son palais…. elle
avait fermé les yeux pour savourer plus encore, ce dessert inespéré…
Malheureusement, qu'elle ne fût sa stupéfaction et son horreur, en constatant
que les airelles étaient terriblement amères !!.
Elle cracha aussitôt… mais sa
bouche n'était que du fiel, que du feu…un foyer ardent faisant songer à
l'entrée de l'enfer… Il lui fallait boire absolument. !!
Elle se mit à courir en tous sens
pour se frayer un passage dans les buissons. Sa robe s'accrocha dans les
ronces, se déchira avec un bruissement douloureux de pétales écrasés, mais
elle n'avait garde à son habillement ; l'incendie qui se propageait dans sa
bouche, sur ses lèvres, la consumait toute entière et l'empêchait de penser…
son pied glissa tout à coup sur quelque chose de gluant, elle ne put rétablir
son équilibre et se retrouva affalée au bord d'un marécage, glauque,
poisseux, où des débris végétaux flottaient à la surface…
Sans plus réfléchir au dégoût
qu'elle éprouvait à patauger dans cette vase, elle but une gorgée de cette eau
croupie pour éteindre le feu de sa bouche, de son gosier, de ses entrailles…la
tête lui tournait, ses yeux étaient révulsés. Elle voyait la forêt flotter,
danser autour d'elle ; sa vue se troublait, ses oreilles bourdonnaient, et
elle crût même entendre des rires étouffés, des ricanements, des cris
aigus… dans un dernier effort, elle tendit la main vers une sorte de
branche, pour s'agripper, car le sol mouvant se dérobait sous elle et une
force invisible l'entraînait vers le fond du marais.
Hélas, la pauvre princesse n'était
déjà plus de ce monde …
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Les marécages silencieux, avant la
venue de Fleurbleue en ces lieux, s'étaient animés. Du fond de la vase, de
grosses bulles d'air remontaient à la surface et éclataient avec un claquement
de lèvres mouillées. Des ondes se dessinaient autour des bulles ; de petits
ronds s'élargissaient sans fin en un mouvement ample et lent. Le marais
prenait vie… les débris végétaux s'écartaient et s'entassaient sur les bords
ensablés, laissant voir une eau pure, presque transparente ; le soleil,
qui avait réussi à se faufiler entre les feuillages des arbres, tombait
en éventail irisé dans la mare, lui donnant une couleur de ciel,
semblable à la robe de la princesse.
Soudain, une énorme bulle éclata,
auréolée d'une multitude de gouttelettes d'eau. Au milieu de celles-ci, une
grenouille verte apparut. Elle était assise sur une large feuille de nénuphar,
comme une reine sur son trône. Ses gros yeux exorbités, très mobiles,
observaient les fourrés d'un air scrutateur.
Ranacula, tel était son prénom, émit aussitôt un coassement, auquel des
centaines d'autres firent écho. Toutes les grenouilles du Domaine du Marais
sortirent de leurs cachettes, répondant à l'appel de leur reine . Elles se
regroupèrent autour de Ranacula, hissées sur des feuilles et des branchages
flottants, attentives au moindre de ses désirs.
La reine expliqua à ses congénères
la scène dont elle avait été témoin : quelque chose d'énorme avait glissé dans
les eaux et se trouvait au fond du marais ! Il fallait absolument sortir cette
" chose " de l'eau, sous peine de pollution…. On entendit subitement, dans le
Marais et au-delà, un bruit infernal de coassements : chaque grenouille
voulant connaître un détail, ajouter un commentaire, donner son avis…elles
parlaient toutes à la fois !!
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Puis il y eut
des : Plouf !!!… Flac !!!… Tchouu !!!… Ploc
!!!… les grenouilles plongeaient les unes après les autres dans l'eau,
joyeusement, comme des enfants dans un bassin… La mission du jour était la suivante : Remonter à la
surface, le corps étranger qui était immergé !!…. et qui
polluait…
Les Amphibiens découvrirent
rapidement la " chose ". Ils se mirent autour d' "elle " et avec leurs
longues pattes, couvertes de papules rugueuses, agrippantes comme des
ventouses, réussirent à faire bouger la masse ensablée. Libérée du sable, la
"chose" remonta en surface, puis se mit à flotter. Les grenouilles n'eurent plus
qu'à diriger le corps, comme un radeau, vers le bord du marécage.
La colonie de grenouilles,
ainsi que Ranacula, entourèrent Fleurbleue, car il s'agissait bien d'elle
:
- Comment sous la vase noirâtre qui couvrait son visage
?
- Comment sous les algues qui
s'étaient entremêlées à ses cheveux ?
- Comment dans ces lambeaux
de chiffon trempés, souillés, reconnaître celle qui avait été la jolie
Princesse des baies !
Ranacula, sans plus d'ambages,
avait sauté d'un bond sur le front de Fleurbleue et contemplait celle-ci comme
un trésor. Elle avait reconnu, en la jeune fille, une intelligence supérieure,
dont elle pourrait faire son alliée pour diriger le Domaine du Marais.
Mais en la voyant inanimée, elle comprit rapidement que sa vie ne tenait
plus qu'à un fil, car elle avait absorbé des quantités incroyables de liquide…
Elle coassa une deuxième fois… Sur le champ, les
rainettes se mirent à sauter sur le ventre et la poitrine de la jeune fille,
comme sur un trampoline.. - Et un , et deux, et trois … ce qui fit sortir de
la bouche de cette dernière, des litres et des litres d'eau…Mais elle ne revenait pas à la vie
!
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La reine des rainettes s'avouait
difficilement vaincue. Une idée germa dans sa tête globuleuse.
Elle coassa une nouvelle
fois, mais d'une manière différente.
Un bruit de feuilles
froissées se fit entendre dans les grands arbres alentour…et des branches se
mirent à remuer : un étrange petit être descendait de la cime des arbres
en sautant de rameau en rameau. Il se retrouva bientôt sur le
sol. Son corps était
menu, ses oreilles minuscules, par contre il
était pourvu d'une magnifique parure : une énorme queue de poils roux se
terminant en panache. L'écureuil s'assit sur ses pattes arrière, face à
Ranacula. Il poussa un cri perçant et des craquettements de gorge en
apercevant la princesse. Il semblait dire : " Mon Dieu !
pauvre enfant ! " .
Ayant compris la situation,
il alla tremper sa queue en panache dans l'eau, et avec un soin infini,
presque maternel, lui lava le visage, le cou, débarrassa sa chevelure des
algues gluantes. Elle retrouvait enfin un aspect humain et
semblait dormir d'un profond sommeil.
L'instant
était solennel … un silence
pesant régnait sur le Marais.
La reine des Amphibiens,
Ranacula, et la reine des Elfes arboricoles, Ecurana,
parlementaient : " Que faire
pour sortir la Princesse des baies de son coma ? Qu'avait-elle
donc avalé pour se trouver dans cet état ? " Elles décidèrent toutes deux de la renverser sur le ventre.
Les grenouilles, une nouvelle fois mises à contribution, sautèrent sur son
dos, à qui mieux-mieux. Et… enfin ! de la bouche de
Fleurbleue, 3 petites boules à demi-écrasées furent
éjectée.
La reine des Amphibiens, aussitôt, sentit
l'odeur de ces baies et constata qu'il s'agissait des fruits vénéneux de la
belladone.
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C e fût
d'abord un brouillard dense et plombé. Ensuite, ce brouillard
devint blanchâtre, cotonneux, léger. Puis, cette blancheur fût éclairée par
des flashs lumineux aux éclairs dorés, qui laissaient entrevoir par les
trouées, une pâle couleur de ciel … Fleurbleue sortait peu à peu de son
profond sommeil pour revenir doucement à la vie.
La jeune fille, toujours allongée
sur l'herbe, clignait des yeux, éblouie par la lumière du jour … bien vite
pourtant, elle les referma, effrayée par ce qu'elle venait de distinguer
au-dessus de sa tête : deux monstres, l'un verdâtre aux yeux globuleux et
l'autre couvert de poils roux, l'observaient attentivement !!!
Ranacula et Ecurana, qui s'étaient
penchées au-dessus de la princesse, toujours inquiètes de son sort, comprirent
sa peur panique et s'écartèrent d'elle d'un bond en arrière. Ecurana, qui
avait un tempérament un peu coquin, ne put s'empêcher en s'éloignant,
d'effleurer, de sa queue en panache, le visage de Fleurbleue - ce qui eût pour
effet de la chatouiller et même de la faire éternuer :
" AAAAAATCHOUUUUM ! "
Par cet effort, elle se retrouva
assise, et quelle ne fût sa surprise en découvrant les créatures qui
l'entouraient et la contemplaient avec curiosité : une centaine de grenouilles
vertes et un écureuil couleur de rouille. Son réveil, tant attendu, fût
acclamé joyeusement par un tintamarre assourdissant de coassements et
craquettements….
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Loin dans la
forêt, au-delà de la cime des arbres, ce bruit retentit. Le petit chien
blotti contre le lutin, pour une sieste réparatrice, se réveilla. Ses oreilles
pointues et torsadées se dressèrent en état d'alerte. Pti Lutin se leva brusquement, et écouta attentivement ce vacarme inattendu en un
tel endroit…
- Que se passe-t-il ? dit-il en
interrogeant du regard son chien ;
On dirait des grenouilles !!! et si
ce sont des grenouilles, l'eau n'est pas loin … il faut que nous partions immédiatement, le bruit nous guidera
et nous pourrons peut-être boire ! …pfouuu, j'ai tellement soif ! "
- Viens
mon chien, viens, un petit effort et tu pourras te désaltérer toi
aussi, tu le mérites, tu as bien travaillé
Pti Lutin regardait le panier
d'osier tressé débordant de fruits mûrs : des framboises aux grains mats
veloutés, des groseilles rouges brillantes, des myrtilles noires légèrement
poudrées… tout était là - un vrai miracle - dans le panier, grâce au
flair de …." de qui, au fait ?
"
Il
s'aperçut tout à coup que son nouvel ami à quatre pattes n'avait pas de nom ;
alors, pendant qu'ils marchaient tous les deux, côte à côte, les pas de l'un
dans les pas de l'autre, cadencés par l'harmonie de leur entente parfaite, le
lutin chercha vainement un prénom : - Tom ? nonnn … c'est trop
commun ! - Pif ? … il a du flair maiiiis …. nonnn
- Mat
?…ah ! il a une vue perçante… peut-être que … - En fait, il a toutes ces
qualités réunies : le flair, la vue, l'ouïe et un bon-sens peu ordinaire… une
sorte de sagesse, de … mais ouiiiii !! je sais comment je vais l'appeler
: " SOCRATE" comme le
philosophe
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La petite princesse, malgré les soins attentifs de Ranacula et
Ecurana, dépérissait à vue d'œil. Son visage si rayonnant autrefois,
quand elle parcourait insouciante la forêt, pour la cueillette de ses fruits
préférés, avait perdu de sa gaieté ; il était devenu triste, sa peau,
diaphane, et des cercles bleuâtres entouraient ses yeux à l'ordinaire si
pétillants. Ils avaient pris eux aussi un ton délavé ; leur couleur de
chocolat fondant était devenue terne. Et même sa robe de soie, couleur de ciel
d'été, palissait. Elle se morfondait. Pti Lutin et elle étaient séparés
depuis tellement de jours ! Mille questions tourmentaient son
esprit et son âme
:
- Où se trouvait Pti Lutin ?
était-il encore vivant ? rien que d'y penser, elle frissonnait, et des larmes
noyaient ses pauvres yeux
!!
- Etait-il perdu dans la forêt
? Ou
alors
- L'avait-il complètement
oubliée, s'apercevant que la tâche était trop ardue et, peut être, ne le
reverrait-elle plus jamais…. Et là également, rien que d'y songer, elle se
remettait à pleurer, ne pouvant concevoir une fin si triste à leur histoire
d'amour, à peine commencée !
La reine des rainettes et la reine
des écureuils assistaient, impuissantes, au dépérissement de Fleurbleue, qui
ressemblait de plus en plus à une fleur oubliée dans un vase tari de son
eau. Elle s'étiolait….
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Une nuit où le sommeil l'abandonnait, Fleurbleue alla se
promener autour du Marais. Le ciel était clair. Une lune pleine
illuminait d'argent la voûte céleste, et une multitude d'étoiles clignotaient
gaiement. En leur présence, la pauvre enfant se sentait moins seule. Elle
s'assit sur la mousse fraîche, car ses jambes affaiblies ne la portaient plus.
Elle fixa la lune et les étoiles, devenues au fil des jours ses amies et
confidentes, et tout-haut s'adressa à elles :
- Dites-moi, vous si
belles et si brillantes, vous qui de là-haut avez une vue plongeante sur notre
Terre, mais dites moi, dites moi donc, où se trouve Pti Lutin ?
La tête levée, toute à sa
contemplation et sa prière, elle entendit, soudain, un bruit… ou plutôt
un bruissement de feuillage. Dans l'ombre de la nuit, elle scruta les buissons
d'où provenait le bruit… le feuillage bougeait - sans doute un écureuil,
fidèle sujet d'Ecurana, qui l'observait et la protégeait des dangers !!!
- Mais le buisson, avec de grands balancements de branches, s'ouvrit et
dans la lumière de la lune, comme dans un mirage, apparût celui qu'elle
cherchait désespérément depuis si longtemps : Pti Lutin
D'abord, elle crut qu'elle rêvait.
Encore, la nuit dernière, il lui semblait qu'il l'appelait, qui lui murmurait
: " Ne m'oublie pas, ne m'abandonne pas, reste avec moi !! ". Elle
crut que c'était là le fruit de son imagination délirante, due à son récent
empoisonnement. Elle se pinça le bras, violemment, mais l'apparition était
toujours là. Pti Lutin, son panier à la main, débordant de baies, se
tenait devant elle, avec à ses pieds un étrange petit chien. Elle ne sut
que faire, que dire, tant son trouble était grand ! Elle prononça juste un
petit … - C'est toi, mon
cœur ?
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